mercredi 10 novembre 2010

Voici encore une fois Crispinus ; j’aurai à le faire souvent comparaître, ce monstre qui a tous les vices et pas une vertu, ce débile qui ne montre de vigueur que dans la débauche, cet adultère qui ne dédaigne que les veuves. Peu importe que ses portiques soient assez vastes pour y fatiguer ses chevaux, qu’il se fasse porter en litière à l’ombre d’épaisses forêts, qu’il ait acheté près du forum palais et jardins ! Aucun méchant n’est heureux ; à plus forte raison un suborneur qui est en même temps sacrilège, avec qui naguère couchait une Vestale qu’il exposa donc à être enterrée vivante.

11-24. Il s’agit aujourd’hui de fautes moins lourdes. Si le coupable était un autre que lui, on l’aurait traîné devant le Censeur des moeurs. Mais ce qui serait une honte chez des hommes de bien, Titius ou Séius, est chez Crispinus une jolie peccadille. Qu’y puis-je, si le personnage est pire que le pire des crimes ? Pour un mulet, il a déboursé six mille sesterces ; c’était un poisson de six livres, à en croire les gens qui savent enfler l’extraordinaire. Je l’approuverais, s’il avait voulu faire ce cadeau pour être inscrit en tête sur le testament d’un vieillard sans enfants, ou s’il avait fait porter la bête chez telle riche matrone qui se promène en litière fermée de vitres. Mais non, il a acheté le mulet pour lui-même. Que de folies il nous faut voir, que n’a jamais faites le pauvre, le frugal Apicius. Et c’est toi qui les fais, Crispinus, toi qui jadis t’habillais de ces vêtements de papyrus qu’on fabrique dans ton pays ?

mardi 9 novembre 2010

Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts !

Je montai jusqu'au temple accroché sur l'abîme ;
Un bonze m'accueillit, un bonze aux yeux baissés.
Là, dans les profondeurs de la raison sublime,
J'ai rompu le lien de mes désirs passés.

Nos deux voix se taisaient, à tout rendre inhabiles ;
J'écoutais les oiseaux fuir dans l'immensité ;
Je regardais les fleurs, comme nous immobiles,
Et mon coeur comprenait la grande vérité !

jeudi 4 novembre 2010

Et d’abord on ne voit rien. Rien qu’un mur de casiers métalliques numérotés, rouillés : vestiaire, coffre-fort ou cinerarium. On ne voit rien, mais le bruit est déjà là, obsédant, rythmique, le bruit qui fait battre votre coeur plus vite, qui vous fait respirer en haletant presque. Et les seules couleurs sont alors l’ocre du mur rouillé et le vert métallique de la structure du Grand Palais. Ce n’est qu’une fois contourné cet obstacle entre le spectateur et l’oeuvre, cette chicane initiatrice, qu’on peut alors accéder à la couleur, à la multiplicité des couleurs des fripes qui ont envahi le hall : droit devant, la pyramide et cette pince rouge qui creuse et qui relâche, inexorablement, mordant de toutes ses dents dans les tissus. Le bruit de centaines de battements de coeur se mêle à celui du moteur qui actionne la pince, sourd et lancinant.

mercredi 3 novembre 2010

Pas mal du tout. Je me demande si j'aurai mieux fait. Pourquoi se casser la tête ? La simploicité donne d'excellents résultats.

mardi 26 octobre 2010

Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et qu'on monte aux échelles.

Abel était l'aîné, j'étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d'elles.

Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.

Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fimes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.

Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!

Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.

Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.

Tels des enfants, s'ils ont pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et s'étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes.

mardi 15 juin 2010

A faire ou pas. Les bonnes résolutions, est-ce que ça sert ? On ne sait pas. Mais pourquoi s'en priver...

vendredi 4 juin 2010

Robert Couturier a cent ans, mais ce n’est pas là la seule raison qui doit vous inciter à voir cette exposition. Il fut un élève de Maillol, et est le dernier représentant de cette génération. Bien sûr on s’émerveille sur son inventivité, sur sa jeunesse éternelle, malgré son âge, serait-on tenté de dire. Les trois sculptures représentées ici ont été faites, respectivement à 88, 94 et 78 ans.
Mais au-delà de cette “curiosité”, Couturier est un novateur, sculpteur de lignes et de plans plus que de volumes et de masses. Il pratique un art très dépouillé, simplifié à l’extrême.